Le sujet de la mémorisation vous intéresse ? Vous souhaitez améliorer vos capacités mnésiques ou celle de vos élèves/stagiaires ?
On vous propose une toute nouvelle série de vidéos “MEMO Talks” sous forme de discussion entre nos 2 experts/formateurs Sébastien Martinez et Guillaume Petit-Jean (tous 2 champions de France de mémoire et vice-champions du monde en équipe de France).
Pour chaque thématique abordée, la discussion s’articulera autour de 3 axes :
– le point de vue scientifique
– le point de vue des athlètes de la mémoire
– la mise en pratique avec des exemples d’apprentissage de leurs élèves (problématiques rencontrées, solutions/conseils pratiques).
MEMO Talks #1
La puissance des images mentales
Pour voir la vidéo sur YouTube 👉 MEMO Talks #1
Nous avons résumé l’ensemble de cette conversation ci-dessous.
1. Du point de vue scientifique 💡
Définition de l’imagerie mentale : représentation cérébrale mémorisée ou imaginée d’un objet/concept/idée/situation.
C’est une capacité particulièrement développée des êtres humains, profondément liée à l’intelligence. Les biologistes et anthropologues sont assez partagés sur le sujet, qu’en est-il des images mentales chez les autres espèces ? Par exemple, un corbeau/cochon ont-ils des images mentales ?
En psychologie cognitive, cela se rattache à l’intelligence adaptative (humaine ou animale), la capacité à stocker/créer/traiter et à faire évoluer une sorte de capital d’images et de représentation mentale.
Pour un expert de la mémorisation comme Guillaume, c’est cette piste de capital d’images mentales (capital qui ne cesse de croître grâce à la mémoire) qui est intéressante. Quand on apprend quelque chose (ex : livre/cours), ce n’est pas l’objet en lui-même que l’on retient, ce sont les « images » que l’on en a. On entend image au sens large, c’est multisensoriel (pour Guillaume, nous n’avons pas que 5 sens, nous en avons plus).
Dans ce processus, il y a 2 aspects importants :
1 – la perception (des images mentales avec un certain détail)
2 – l’imagination : c’est ce que les athlètes de la mémoire s’entraînent à faire. Imaginer des images mentales assez rapidement et assez détaillées.
Une des clés des techniques de mémorisation, c’est cette capacité à générer ces images mentales.
D’un point de vue compétiteur, Sébastien a bien compris qu’il faut s’entraîner à imaginer car cela prend beaucoup d’énergie, d’attention et de concentration sans pratique. C’est comme le vélo, la nage, l’apprentissage de la lecture/écriture, plus on le fait, plus cela devient facile.
Un exemple d’images mentales :
– Si je demande qu’est-ce que tu as mangé hier midi ? On va avoir tendance à essayer de se rappeler le contexte : où est-ce que j’ai mangé ? Avec qui ? On va activer ce que l’on appelle des indices de récupération.
Dans le cadre de l’utilisation de techniques de mémorisation comme le palais mental, on sait que c’est plus facile quand on dit aux apprenants ce qu’il faut visualiser.
2. Ce que dit la science sur les images mentales pour la mémorisation/apprentissage
Dans les années 70, le mythe des « styles d’apprentissage » était très en vogue. Cette théorie préconisait « qu’il fallait apprendre en fonction de nos préférences ». 93 % des gens croient à ce neuromythe selon lequel on aurait tous des types/préférences d’apprentissage (visuelles, auditives, verbales, gestuelles, kinesthésiques, etc.). Toute la littérature scientifique a démontré que cette théorie n’a pas d’impact sur la capacité d’apprentissage.
Qu’est-ce qui marche pour la science alors ?
Parmi les 6 stratégies d’apprentissage efficaces, il y a le double encodage.
Il s’agit de combiner des visuels avec du texte (que l’on retrouve dans 99% des supports d’apprentissage). On a bien des préférences mais si on propose ce double encodage, cela marche très bien.
D’un point de vue pratique, comment appliquer le double encodage dans ma classe, dans mon travail, etc. ?
En moyenne, on retient mieux les images que les mots. « Un bon croquis vaut mieux qu’un long discours » disait Napoléon Bonaparte.
De plus, la taille des images a de l’importance contrairement à la taille des mots sur la rétention.
Ainsi l’amplification, l’exagération est utile : imaginez donc de grandes images mentales !
Ce que les élèves, qui assistent à nos formations, nous disent : « quand tu me donnes tes images mentales, j’arrive bien à mémoriser mais j’ai du mal à créer mes propres images ».
Pour Sébastien, le meilleur moyen c’est de commencer par s’inspirer des autres puis de s’entraîner. On connaît tous le fameux « mais où est donc or ni car ». Quand on a un moyen mnémotechnique qui marche bien, on se l’approprie.
Notre cerveau a besoin de rendre les choses concrètes et la difficulté c’est de mémoriser des choses abstraites !
Si on veut mémoriser, par exemple, l’ancienne capitale du Burundi* (*depuis 2019 la capitale du Burindi est Giteja), Bujumbura.
On doit faire appel à 2 compétences :
1 – Trouver une association (proche phonétiquement en général). Ça me fait penser à « bouge le bureau », « quelqu’un qui dit bonjour et qui est complètement bourré », « un bout de djembé avec un rat »
2 – Imaginer, visualiser de manière multisensoriel
C’est ce qu’a fait Einstein pour imaginer ses théories scientifiques (ex : la gravité, etc.). Pour trouver la théorie de la relativité restreinte, il s’est imaginé… chevauchant un rayon de photons.
Ainsi, les personnes qui savent bien expliquer, les bons conteurs et notamment les bons professeurs, y arrivent en utilisant la comparaison, la métaphore, en vivant la situation.
On voit également l’application concrète et l’importance de l’imagerie mentale dans certains corps de métiers (ingénieurs, etc) :
Lors d’une de nos formations en études de santé sur l’anatomie, une de nos stagiaires médecin avait créé des répliques en pâtes à modeler d’organes pour s’entraîner à faire de la chirurgie et elle pratiquait avec sa fille de 8 ans. C’était assez bluffant ! C’est essentiel pour les chirurgiens de pouvoir se représenter presque en 3D le corps humain.
L’anecdote du garagiste de Sébastien, qui selon le bruit est capable de trouver la panne, « il est dans le moteur » et imagine que la panne peut venir de tel endroit. Lorsqu’il utilise sa remorque pour tracter son bateau, il lui est impossible de rouler vite sur un dos d’âne car il visualise chaque étape de l’impact sur ses amortisseurs !
3. Les conseils pratiques pour muscler sa capacité à imaginer 🧠
Les conseils de Sébastien :
– observer quelque chose de réel et s’entraîner à le dessiner
– observer un objet (ex : une tasse), se le dessiner/représenter dans la tête et ensuite le dessiner sur un papier sans le regarder
– pratiquer la méditation : fermer les yeux et imaginer l’objet, vision à 360°, puis de manière de plus en plus précise.
Les conseils de Guillaume :
– s’entraîner à se remémorer des lieux visités (vacances à Rome, maison des parents)
– revisiter régulièrement des palais mentaux que l’on a créés sans regarder des photos
Concernant le double encodage : les visuels incluent tout ce qui est courbe, diagramme, graphique, frise chronologique, etc. Pour l’amener dans son apprentissage en classe :
– comparer les visuels et le texte et demander aux apprenants quelles sont les différences d’information que l’on a entre le visuel et le texte mais aussi les similitudes
– décrire, commenter un visuel avec des mots (ca se fait beaucoup en histoire de l’Art)
– demander aux apprenants de créer un visuel à partir du texte (dessin, présentation Power Point).
Pour conclure, il faut éviter la surcharge cognitive. C’est excellent de mettre du visuel dans des livres mais il faut que ceux-ci soient pertinents et apportent une plus-value. Effectivement, trop d’images nuisent à l’attention.
Ressources mentionnées dans la vidéo :
- Livre : Understanding How We Learn: A Visual Guide by Yana Weinstein www.learningscientists.org/book
- Sur le double encodage : www.learningscientists.org/dual-coding
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